La Nuit De Valognes Analyse Paris

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Pour la collection « Classiques & Contemporains », Éric-Emmanuel Schmitt a accepté de répondre aux questions de Pierre Brunel, professeur à la Sorbonne, spécialiste du mythe de Don Juan et co-auteur de l'appareil pédagogique de La Nuit de Valognes. Pierre Brunel: La Nuit de Valognes est votre première œuvre officielle. Pouvez-vous expliquer les raisons qui ont motivé votre choix? Éric-Emmanuel Schmitt: Don Juan, c'est la rupture, l'insolence. Dans chaque siècle, Don Juan remet en question les idées établies: l'honneur, le mariage, l'église, l'amour romantique… Philosophe, écrivain, achevant ma vingtaine d'années dans une époque de liberté sexuelle, je ne pouvais donc faire autrement qu'écrire mon Don Juan. J'en connaissais de nombreuses versions, je savais par cœur celles de Molière et de Mozart, mais je me rendais compte qu'il y avait une lacune énorme: on ne s'était jamais servi de Don Juan pour interroger l'identité sexuelle! Le personnage le plus sexué et le plus sexuel de l'histoire de la littérature n'avait jamais été, théâtralement, interrogé sur sa quête sexuelle.

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On retrouvera ce motif dans Le Secret, d'Anita Van Belle. Avant d'expirer, dans un mouvement fort romantique, il ouvre son cœur au vieux beau: « j'étais fait pour aimer, mais pas là où il fallait, ni comme il le fallait ». Il demande un aveu à Don Juan, modèle de prétérition inversée (voire invertie! ): « vous me le dites bien? / Je vous le dis. […] / Dites-le-moi avec les yeux […] Don Juan le regarde intensément. […] Don Juan, agenouillé, tient la tête du Chevalier contre lui, étrange pietà » (p. 105). Mon avis La Nuit de Valognes est la première pièce d'Éric-Emmanuel Schmitt, et même sa première œuvre officielle. Le style est alerte, très dix-huitième, avec quelques effets un peu téléphonés qui risquent, selon le comédien, de faire de notre Don Juan une vieille tante: « Je suis entré par le cimetière. La lune montrait sa face noire. Un silence de chien qui hurle à la mort » (p. 35). Quelques blasphèmes fleurant bon son potache pour faire bonne mesure: « C'est un charnier, ton Dieu, il pue, il pète d'impuissance!

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À un moment de la pièce, la duchesse compare Don Juan à un nourrisson. Elle est une figure de mère forte, une femme supérieure à Don Juan. Les femmes, en choisissant de devenir les juges de Don Juan, se donnent presque une place divine. Elles jugent et condamnent. III La conversion de Don Juan Don Juan subit une véritable transformation dans la pièce. Il devient un homme responsable. Il accepte d'épouser Angélique. Il semble abandonner son ego et retrouver ses émotions. Il ne veut plus simplement s'amuser et satisfaire son propre désir. Il veut le bonheur des autres, et pour celui d'Angélique il est prêt à sacrifier sa liberté. Il pense que l'amour peut le sauver. La métamorphose de Don Juan est une renaissance. Il porte un regard nouveau sur le monde. La mort de son ami l'a profondément marqué. À la fin de la pièce, il est en quête d'une vie plus en accord avec ses nouveaux principes. C'est un homme repenti. La pièce est très théâtralisée, particulièrement la fin qui accorde une grande importance à l'éclairage.

É. : Dans les Don Juan classiques, Don Juan rencontre la statue du commandeur. Mon idée était qu'il rencontre le Fils du Commandeur. Pas un Dieu de colère et de vengeance mais un Dieu d'amour. J'ai alors reçu cette image fulgurante; le jeune homme, pris de boisson, s'amuse à faire peur aux passants en jouant l'automate, immobile puis mouvant. Ensuite, je me suis rendu compte que ce thème, « l'apparence d'homme », était intéressant pour décrire le vide ou le malaise intérieur de ces êtres. Elle illustre la difficulté d'être un homme. P. : Quelle(s) signification(s) faut-il attribuer à la violence qui parfois surgit des actes ou des paroles de Don Juan (acte IIII, sc. 8), ou des paroles de la Religieuse (acte III, sc. 11)? É. : Cette violence est la mienne, celle d'un homme qui ne comprend pas mais qui voudrait comprendre. Elle exprime une fondamentale insatisfaction: en vivant, on joue un jeu dont on ignore les règles. Doit-on les inventer, ces règles? Ou les retrouver? Dieu nous les a-t-il données?